“ Seule la notion de reconnaissance empêche l’interdépendance inéluctable entre les individus d’être pervertie en domination”. Cette citation issue de “Ci-Gît l’amer”, dernier essai de Cynthia Fleury, nous a inspiré cette réflexion sur l’interdépendance et la position de chacun dans une relation apprenant-formateur.
Vous êtes-il déjà arrivé de vous sentir pris de haut par un formateur gonflé de son expertise ? Et vous, formateur, déjà eu l’impression de descendre dans la fosse aux lions ? Il est indéniable qu’en tant que formateur vous possédez un savoir, une expertise, des compétences sur un sujet, une méthode, un outil, etc. De la même manière il est évident que de son côté, le stagiaire, qui plus est dans le cadre de la formation professionnelle pour adultes, possède, lui aussi, un savoir-faire, une expérience et des connaissances.
Pour regarder les choses sous un spectre plus positif : Combien de fois un stagiaire vous a posé une question que vous ne vous étiez jamais posé et vous a fait voir votre sujet, votre formation, sous un angle nouveau ? Avez-vous été déstabilisé ou vous êtes-vous dit : super, c’est hyper intéressant, je n’y avais jamais pensé !! Et vous, en tant que stagiaire, vous est-il arrivé de sortir d’une formation avec la sensation d’avoir grandi humainement, au-delà de l’acquisition de vos nouvelles connaissances ?
Nous voyons ici le questionnement sur la “valeur” qui se profile : valeur intrinsèque de l’apprenant, valeur intrinsèque du formateur, la valeur que chacun accorde à l’autre et l’importance que cela revêt pour la réussite de la formation.
Est-ce que les valeurs se comparent ? Est-ce qu’un formateur est plus « valeureux » que son stagiaire grâce à son savoir ou sa maîtrise de la pédagogie ? Est-ce qu’un stagiaire vaut mieux qu’un formateur de par ses diplômes ou son poste ? Cette comparaison est intenable et finalement inutile. Postulons que chacun détient une valeur en soi et quelle qu’elle soit. In fine, ce qui nous intéresse vraiment dans une salle de formation n’est-il pas la valeur ajoutée qui va naitre de l’échange entre ces 2 acteurs, de la rencontre des savoirs et des expériences.
Alors cette relation : symétrique ou asymétrique ? égale ou inégale ?
La relecture de “ Une éthique pour le malade”, de Jean-Pierre Bénézech, nous amène à faire le parallèle entre l’éthique du soin et l’éthique de la formation. Loin de nous l’idée de comparer un stagiaire à un malade, ou un formateur à un médecin. C’est plutôt le positionnement de chacun qui interroge. La relation soignant-soigné est un modèle de relation qui semble à la base asymétrique : caricaturalement un médecin “sachant” “actif” face à un patient “ignorant” “inactif”. Humainement, cette position est intenable et inefficace. C’est pourquoi une partie de l’éthique du soin réfléchit à la restauration de la symétrie de la relation.
De la même façon : il n’y a pas un formateur sachant actif et un stagiaire ignorant inactif. Si le formateur apparaît d’emblée actif par sa pédagogie, l’instauration d’un lien de confiance, le travail d’animation, les stagiaires n’en sont pas moins actifs. Ils accordent leur confiance, ont envie d’apprendre, participent aux activités, donnent des exemples liés à leurs expériences – d’où qu’elles viennent- et posent des questions.
La formation pour qu’elle fonctionne est donc une relation d’interdépendance où chacun a une valeur intrinsèque reconnue par l’autre et un rôle actif à jouer. Au formateur et au stagiaire à s’inscrire dans cette éthique de la formation.